Tout passe, tout s’estompe, les souvenirs eux-mêmes nous semblent devenir étrangers. L’écart entre le passé et le présent creuse cette impression de décalage.
Fragilité des choses vécues et des émotions ressenties. Tout nous quitte, jusqu’à cette intensité que, sur l’instant, nous croyions percevoir.
Que reste-t-il, finalement, de nos luttes, de la force de nos déchirements, de celle de nos rires ? Que demeure-t-il de l’importance que nous accordions à tout ceci ? Nous regardons l’acharnement que nous mettions à nous y accrocher en hochant désormais la tête, doucement incrédules et tendrement sceptiques.
Nous réalisons que ça n’a eu, à tout prendre, que fort peu d’importance, de durée, de poids réel.
Nous en gardons une vision gauchie, mais aussi apaisée.
L’âge fait ainsi son œuvre de détachement et de sagesse.
Et c’est alors qu’on en vient à réfléchir à plus grande échelle : les instants que nous vivons, les passions qui nous y animent et nous y arriment ont-ils quelque valeur ? Ne nous enferrons-nous pas en leur conférant, sur le moment, une telle importance, dans les pièges que manigance notre ego, ne sommes-nous pas, de la sorte, captifs d’une conscience - la nôtre – qui serait en fait à bien des égards illusion, tromperie ?
Si nos souvenirs se délitent, se dévitalisent de la sorte, un peu comme les pellicules, les particules de peau morte que notre épiderme, parait-il, n’arrête pas de perdre, n’est-ce pas le signe que notre être lui-même n’est que sables mouvants ?
Patricia Laranco.
