Né dans le quartier du Marais, à Paris, en 1935, Jean-Pierre Lesieur fut mécanicien de moteurs d'avion, puis instituteur et directeur d'école primaire.
Le fait qu'il ne soit pas passé par le "formatage" universitaire a maintenu, chez lui, intacts simplicité d'âme, spontanéité et franc-parler.
Son oeuvre poétique a été abondamment publiée, que ce soit en recueils, dans des anthologies (notamment dans "La nouvelle poésie française" de Bernard Delvaille publiée en 1977 chez Seghers), ou encore en revues .
Non content d'être un poète écrivant, c'est, également, un créateur de revues puisqu'après avoir participé à la fondation du "Puits de l'Ermite" et créé la défunte revue artisanale "Le Pilon", il dirige actuellement une revue réputée , "Comme en Poésie" (revue trimestrielle, 2149 Avenue du Tour du Lac, 40150 - Hossegor)
Il vit depuis quelques années au Sud de la France, dans les Landes.
LES PLAQUETTES.
Le produit fini , en principe, que le poète livre à la consommation des foules prodigieuses s'appelle une PLAQUETTE de poèmes.
Ce diminutif brimant en soi pourrait se décliner autrement :
Sous forme de petits morceaux de gomme américanisée à mastiquer lentement poème après poème avec dans la bouche un goût sucré s'estompant plus ou moins rapidement, à jeter le plus rapidement possible et rechargeables sur les quais du métro.
Pendues au plafond, poèmes largement étalés, avec un grand pouvoir de diffusion, ce qui est bien le moins, afin de trucider tous les insectes ailés qui leur veulent du mal galvaudant à portée et en général toutes sortes de parasites visibles dans nos régions.
Enserrées en demi-lune sur le moyeu d'une voiture dans le but d'en arrêter la course aveugle et folle à la dernière limite du ravin, sauf quand un poème trop usé se coince au mauvais moment dans un grand roulement de tambour inutile.
Vendues en pharmacie, sur ordonnance médicale, avec le pouvoir d'empécher que se recrée, se surcrée ou se procrée, des générations de bouches inutiles en puissance de pondre d'autres plaquettes avec d'aussi mauvais poèmes que le dit monsieur BOSQUET.
Mises sur l'os, à la place tibiale des pieds mal chevillés pour assurer l'équilibre des vers ou de celui qui n'en fait plus depuis qu'un grave docteur en asile lui a vendu un dictionnaire de rimes THERAPEUTIQUES.
Appelées globulins, pour des poètes sans grain, dont le sang anémique sépare ses parties afin que l'une bouffe l'autre entre deux gares correspondance des poèmes du voyage.
Pleines du métal de Sarcelles pour raccomoder un peu les grands ensembles en rupture de poèmes et de rêves.
FAIRE SURFACE.
C'est pas le bonheur le FRIC
au vent du diton au vent portant force six
force est de constater à mille lieues des grandes surfaces
sur un atoll sans atomes
ou plus près
à deux milles des côtes
seul avec sur les reins trois tonnes d'or
pas facile de flotter.
Tout mettre au fond , sans balises, sans amers
plus rien à perdre se débrouiller avec les moyens du par dessus bord.
FAIRE SURFACE
Il faudra bien un jour parler
pas moi peut-être,
pas seul,
pas divaguer aux lanternes des fantasmes,
laisser remonter du noir des éclairs de honte
prendre appui sur les digues les moins hautes.
FAIRE SURFACE
Tête au dessus des îlets, des récifs, des vagues,
parler clair
loin des théories approximatives
des universités fumeuses
où des piqués à l'hallucinogène en solde
narines dilatées,
gorge à la relève
se laissent piéger par les mines flottantes.
Repartir à zéro
tout donner aux barbiers de l'apocalypse
pour qu'ils éclatent nos cervelles
au grand air des galions coulés.
FAIRE SURFACE ENFIN !
Jean-pierre LESIEUR.
in "Le porte fric", recueil inédit,.
