Villes d’argile confondues avec le roc,
enroulées comme par un tour de potier
autour des collines dont vous ne faites que
prolonger les contours courbes et sensuels
vos teintes roses et brunes ont des aspects de chair,
vos friables façades de glaise séchée
s’étagent en l’aridité fixe du ciel
où se recourbent fils de nuages cassants.
Vous avez cette austérité mal dégrossie
des choses captives de l’appel du désert ;
piégées par le souffle de l’espace ouvert,
vous n’osez
qu’opposer
vos fragiles amas nus
pareils à quelque nichée d’oisillons craintifs
s’accrochant à la soudure âpre de leurs corps.
Patricia Laranco.
Trois symboles sont solidement liés dans ce poème. Le premier nommé est un ensemble indéfini de villes. Le second est la matière dont elles sont construites. Le dernier est le roc qui a la forme d’une chaîne indéterminée de collines. De ces trois symboles réunis se dégagent deux oppositions : friabilité/solidité – réfugiées/refuge, qui nous éclairent quelque peu sur le noyau sémantique du texte et ce noyau ne concorde pas forcément avec l’intention de l’auteure parce qu’il y a une différence énorme entre ce que dit un texte effectivement et ce qu’a voulu dire son auteur. Et étant donné que c’est de l’argile que Dieu a créé l’être humain, l’ensemble de ces villes d’argile symboliserait la vie humaine fragile et effritable accrochée comme par enchantement à l’univers dur et indéfectible dans l’espoir de survivre à l’usure du temps. Une deuxième force à laquelle s’agrippe la vie humaine est le regroupement de la communauté humaine dans ces villes afin de faire face à tous les dangers qui la guettent, dont la disparition pure et simple. Au niveau stylistique, une image attire tout particulièrement l’attention, celle qui clôt le poème : vous n’osez / qu’opposer / vos fragiles amas nus / pareils à quelque nichée d’oisillons craintifs / s’accrochant à la soudure âpre de leurs corps. Enfin la valeur de ce poème réside surtout dans sa dimension existentielle qui englobe l’essence même de l’épopée humaine sur terre, cette épopée qui continue de plus belle vers l’inconnu depuis l’apparition de la cité il y a sept mille ans jusqu’à nos jours.
Mohamed Salah Ben Amor.