La PAGE BLANCHE.
Je regarde la page blanche.
Elle m’hypnotise tout à coup.
J’y vois tout ce que je vais écrire et tout ce que je ne vais pas écrire. J’y vois plus que ce que je vais écrire et écrirai jamais. J’y vois un fourmillement de possibles en mouvement brownien dans le vide.
J’y vois le vide. Son miroitement, sur lequel tout peut se scarifier, s’inscrire.
Sa mobilité de dunes de sable et de poudre sifflante que le néant disperse…son inertie de fondrière où l’on hésite à hasarder le pied.
J’y vois l’infini ondulant, laineux qui peut tout engloutir…
Un infini de plis et de méplats aux reptations vagues, paresseuses.
Une fractalité enroulée indéfiniment sur elle-même, autour de sa propre colonne de néant, sa propre pulsation de mystère…
Comment oserai-je porter atteinte à une telle intégrité ?
Comment oserai-je déchirer ce tissu immaculé, ce pays intact ?
De quel droit égratignerai-je ce champ neigeux, presque aveuglant ?
Quel trait d’encre pourrait faire oublier ce poudroiement grand ouvert, cet éclat plat, mat, à même d’accueillir tous les palimpsestes ?
Une page blanche, cela reste une promesse encore vierge de toute réalisation.
Cela appelle toutes les réalisations, mais aussi, ça les repousse.
C’est beau, car riche d’une liberté qui sans cesse s’auto-féconde.
