1.
ONIRIS.
Un monde autre. Qui, pourtant, a sa réalité.
La nuit, l’inconscience du sommeil se le réservent.
Il me semble parfois qu’on y vit plus intensément.
Que les flux d’émotion le colorent d’un surplus de vie.
La journée, pendant l’éveil, il m’arrive fréquemment de voir rejaillir ces évènements, ces paysages. C’est alors que je perçois pleinement leur densité, leur luminosité tellement particulière !
Pourquoi me paraissent-ils plus présents, plus REELS ?
Non, je réalise : ils ont existé, bel et bien.
Simplement, ils constituent ma vie parallèle.
Celle qui profite de l’éclipse de ma vie diurne. Celle qui pourrait bien, en fait, en être l’envers (exactement comme on dit « l’envers d’un vêtement »).
Ils possèdent leur propre poids de charnalité, leur propre aura tissée d’attente mystérieuse, leur propre degré d’épaisseur délicieusement à cheval entre la présence et la semi absence du mirage.
Et ils en jouent avec une inimitable grâce !
2.
LA DUNE.
A l’assaut de la haute dune.
La pente de sable clair, fin, poudreux.
La difficile progression. Vers les mystères du sommet.
Chaque pas : arraché au sable. Retombant dans le sable, happé.
Chaque pas, hissé : une victoire !
Les acacias bardés d’épines, qui accompagnaient, tout au long du versant, l’effort, sans cependant accorder la moindre parcelle d’ombre salvatrice. Cruels !
Nos jeunes paires de jambes d’enfants, chacune, acharnée, obsédée par l’idée de relever le défi, de l’emporter sur les autres paires de jambettes.
L’exaltation qu’entretenaient ensemble l’air lourd de l’océan et la façon qu’avait le soleil de frapper sèchement la dune, de la blanchir encore.
A chaque escalade, chacun se promettait d’atteindre la ligne de crête. Et chacun, bien entendu, était convaincu qu’il l’atteindrait.
Mais, quelques fussent nos efforts et nos déterminations, l’immense dune avait raison de nous, là aussi à chaque tentative.
Le plus souvent, je distançais les autres, car étant l’aînée, je possédais l’avantage d’avoir de plus longues jambes. Pourtant, même moi, je ne parvenais jamais au-delà de la mi-pente.
Vidée de mes forces, poissée de sueur, je m’écrasais alors dans le sable d’une pâleur aveuglante, et décidais qu’il était grandement temps de rebrousser chemin.
Toutefois j’étais heureuse : j’avais gravi une respectable distance et j’avais la tête qui tournait légèrement sous l’effet de l’ivresse.
Bien sûr, j’étais loin d’avoir concrétisé mon but qui était de gagner le sommet, et de dominer l’océan – puisqu’on m’avait dit que c’était lui qui se cachait derrière la monstrueuse dune.
Du coup, force m’est de l’avouer, je changeai quelque peu d’humeur ; je me retrouvai partagée ; le dépit de l’échec venait voiler de son ombre la sensation de griserie, cependant que lui-même se colorait d’une autre nuance.
Bloquée , toute ratatinée, entre deux acacias chétifs, je levais mon regard vers la crête, qui me faisait à ce moment l’effet d’une inaccessible étoile…et voilà que paradoxalement, de façon presque inexplicable, je me trouvai tout à coup satisfaite que pour la nième fois cette dernière m’ait « vaincue » !
Ne conservait-elle pas, en effet, tous ses précieux secrets ?
Mon imagination ne pourrait-elle pas continuer à s’attarder sur leurs nébulosités fabuleuses, à furieusement et inlassablement renouveler ses broderies autour de cet « interdit d’accès » que je n’avais encore jamais vu ?
Ainsi, le rêve prenait-il, une fois de plus, le pas sur le réel…ainsi tous les possibles intacts se substituaient-ils à nouveau à une réalité déflorée qui eût pu s’avérer, à tout prendre, décevante, et eût, à tout coup, en tout cas, présenté un caractère trop arrêté.
J’étais encore mille fois trop jeune pour le comprendre, en avoir conscience.
Mais je savais déjà l’irremplaçable charme de l’inconnu.
Je savais, sans pouvoir me le formuler, qu’on ne pouvait tout avoir ; que la confrontation avec le concret du réel annule le rêve et vous impose comme la présence d’un incontournable monolithe. Déjà, je ne détestais rien tant que de voir la dictature du réel assaillir et terrasser la liberté ondoyante et sans fin du rêve…
C’était ça, pour moi, au fond, l’aventure (secrète) de l’escalade de la grande dune !
SHILOH.
Si des traces ne rivièrent que cendres
Si des pas en cadence ne descendent que vers
Si des canons rougis
Si des yeux ne fuse que sécheresse
Si des chairs n'éclosent que tessons
Si des artères viciées
Nous marquerons le pas
Nous fixerons les regards
Nous évincerons l'ivraie de larmes
Et fourbirons le rêve au crépuscule
la fixité de ton regard /
alors que ne cesse /
la grande érosion de la mer /
ancre bleue /
qui endigue / l’érosion de la /
terre promise /
MEDITATION.
ce calme / ce soir /
est d’une si /
parfaite limpidité /
que la mer /
ne parvient /
plus à transcrire /
les étreintes / de la mer /
Le 3 décembre 2010 au Théatre du Grand Marché, St Denis de La Réunion.
A voir et à entendre à tout prix sur le site des Editions K'A.
LIEN :
http://editionska.com/spip.php?article168
Nous parlons sans cesse de culture.
Nous ne vivons que pour la culture.
Pour le culte de l’art, et du Beau.
Mais ne devrions-nous pas aussi parler du privilège que tout ceci implique ?
Pour se tourner vers la culture, pour s’ouvrir au Beau et y être sensible, encore faut-il que nous n’ayons pas le ventre qui crie famine, le corps exposé au froid, au vent ou à la fournaise desséchante, condamné à l’errance et à la puanteur des sans-toit qui ne peuvent se laver.
Encore faut-il que nous ayons eu l’occasion d’apprendre à lire et à écrire, celle d’entrer en contact avec les plus beaux livres, avec les plus belles des œuvres d’art.
Encore faut-il que nous ne soyons pas réduits à l’état de bêtes de somme par un labeur épuisant et abrutissant, bouffant la vie pour presque rien.
Encore faut-il qu’on ne nous vole pas nourriture, espace, temps, sommeil, sécurité, santé, joie et espoir, confiance en nous et en l’avenir.
Comment s’étonner que la plupart des démunis haïssent la culture ?
Qu’ils la considèrent au mieux comme un luxe inutile, au pire comme un prétexte pour les mépriser, les écraser encore plus ?
La culture a toujours fleuri dans le sillage des privilèges – et même si le créatif est, par nature, un « marginal » ( voire un rebelle) du fait de son tempérament original, innovateur et hyper-sensible, il n’a toujours pu être lui-même (quand il pouvait l'être) que parce qu’il appartenait, d'une façon ou d'une autre, au monde des nantis ou, à défaut, parce qu’il bénéficiait de leur soutien en tant que « mécènes ».
De toute façon, il possède des pouvoirs : le pouvoir de réflexion, la liberté inhérente à toute démarche créative.
Qu’il le veuille ou non, il se situe « du bon côté de la barrière ».
Son individualisme en est d’ailleurs l’un des très grands « symptômes ».
Le grégarisme et le matérialisme ont le don de l’agacer.
Mais la misère ne rend-t-elle pas grégaire et follement matérialiste ?
Ne pouvons-nous pas constater que, dès lors qu’un pays s’enrichit, dès l’instant où son niveau de vie augmente, les gens qui peuvent réfléchir, créer y deviennent plus nombreux ?
P.Laranco.
A quai
dans l’imposture qu’être signifie
puisant dans la réserve de respiration,
dans le champ de rosée qui soulève poitrail
le regard ne sait plus bien à quoi s’accrocher
le voici qui perce tout seul l’obscurité
transparente, l’opacité du devenir
le voici qui creuse galerie dans le roc
intérieur qui s’est extériorisé.
Le voici qui tâtonne dans les entonnoirs
et varappe le long du haut mur du réel
seule étoile parmi les décombres du corps
Plus on est échoué, plus on palpe le temps,
cette ample étoffe qui ondoie dans l’infini
c’est de ce point d’observation trop charnel
où la chair suinte, sue, pue et se débat
dans sa propre bourbe, en sa tourbe qui obstrue
qui sécrète secrets de glu et de néant
qu’il nous est donné d’attendre indéfiniment
quoi ?
mais si seulement on pouvait
le savoir !
Patricia Laranco.
Je valide l'inscription de ce blog au service paperblog sous le pseudo ananda.
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