Le présent n’est qu’un mouvement
sa mobilité fait de lui
un frisson de fragilité
très bref, si bref qu’on a souvent
le souffle coupé à le voir
s’engouffrer tel un courant d’air
en direction de l’avenir.
Patricia Laranco.
Le présent n’est qu’un mouvement
sa mobilité fait de lui
un frisson de fragilité
très bref, si bref qu’on a souvent
le souffle coupé à le voir
s’engouffrer tel un courant d’air
en direction de l’avenir.
Patricia Laranco.
rage d’eaux
larmes crispées crépitant au fond des yeux fracturés d’éclairs secs
grêle nacrée qui éclate
explose
extase orage nu
nuée dévêtue
qui se cambre et s'enroule
qui se cabre et s’écoule
fleuve vertical aux aiguilles de lumière
vent coupant comme les lames humides d’herbes argentées
dans un champ de floraisons liquides
horde d'eaux sauvages
hors d’âge hors saison
la bouche de la nuit s’entr’ouvre
et mille et une syllabes mouillées composent un poëme
refrain de fracas aigus et
redites multipliées par l’écho des murs nocturnes
pavés astres furtifs sous les pas de la pluie fugitive
esquivant écrivant le frisson délice
et la caresse précise faiseuse d’autres pluies
escarbilles froides
comètes d’eau
soeurs utérines des sources secrètes et des puits éventrés
poussières d’averse balayées par le souffle sacré des vortex noirs
et le geste hésitant des minutes aux horloges du vent
du temps secondes de sable et de quartz vivant
et d’ocre vert
embruns cassants caressants comme cristal de désir
que la voix haute et profonde du destin
rompt d’un cri éternellement renouvelé
répété
ressassé
ressac calcaire
oeuf message de fragilité définitive
comme un ciel d’hiver où la neige jaillit des larmes des étoiles
ô
rage d'oser essayer le geste irréparable
qui nous laissera à jamais baptisés aux fonds provisoires
d'un narthex
foudroyé
NU-AGES
Les nuages qui filent le tissu du jour dans le ciel les nues qui cousent le matin au soir accrochent les montagnes rondes au passage comme des doigts sur un corps en joie de sommeil comme une lèvre effleurant l’aréole tendue qui vibre sous la pulpe de la peau les nues vêtues de pourpre et chapeautées d'orangé les nuages savent vivre avant que de se laisser aller à se résoudre en brumes bleues et en pluies acérées en attendant l’orage qui à flammes crues les consumera dans de longues déflagrations déchirures aveux irrépressibles fractures du feu intérieur les nuages traversent les espaces flous les nues s'insinuent entre les vents coulis et parfois abordent d’autres collines d’autres vallées où coulent d’autres fleuves je voudrais n’être en ce moment même où j’écris qu’une nuée légère effleurant ton visage | les nues surgissent nues des flaques endormies les nuages se condensent en valses accomplies qui montent à la chaleur de midi comme songes au matin et si quelqu’un d’entre eux s’abandonne et se dissout au dessus de tes arbres peut-être son eau aura-t-elle le goût de mon rêve et la moiteur de ma tendresse les nuages musique d’eau ont leurs rythmes et leurs airs les nues sont fleuve orchestre au concert des odeurs parfois cascade blanche et sève de menthe parfois lac de plomb et sueur de pivoine parfois étang mauve et rosée de lilas quand l'amour s'évapore en longs apaisements les nuages magiques dissimulent dans leurs vagues les nues étreintes vierges en leur robe nubile de glace étoilée de grésil et de grêles lumineuses les formes que leur imprime le vent qui les enlace et je forme le voeu qu’en en voyant un face à ton soleil tu y lises l’aspect du vent de marée vive retour des barques |
A Francine CARON, Paris, le François Coppée, Octobre 2000 Ce texte résume la conférence qu'elle y fit pour présenter la genèse de son oeuvre Beaux arbres féminins au ventre d’aubier tiède Le miel de votre sève est rivière aurifère Qui nourrit de mots purs ce germe de poète Qu’un orage rupture un soir expulsera. C’est vous, arbres enceints aux seins d’écorce blanche Qui allez lui apprendre, à nager dans les eaux Très musicalement porteuses de murmures, Le galop de l’artère et la gamme des souffles. Arbres à l’ombre lente avide de soleils Vous tendez vers le ciel l’élan de vos colonnes Pour en secret construire une arche reins ployés Qui sera porte d’or aux pèlerins stellaires. Mes arbres métissés, forêt touffue d’oiseaux, Votre effort aiguë forge en le fer bleu du ciel La forme du destin et le chiffre éphémère Qui désigne une force en la paume des feuilles. Arbres, apprenez-moi à écouter la mer Et à goûter l’amer que la vague et le vent Sur ma bouche entrouverte en embruns élaborent Pour donner goût de vrai aux voix de mon poème. | Ô mes arbres têtus, gardiens de mes moissons, Avoines à foison, pivoines en fusion, Bétoines en frissons que froissent les cétoines, Vos ombres floues ponctuent le champ de ma récolte. Chers arbres, mes amours en robe de bruine, Trembles sous la trempée, charmes sous la chablée, Avernes sous l’averse, ormeaux sous les orages, Vous vibrez sous les pluies qui lavent vos gerçures. Arbres roux au levant solaires sémaphores, Arbres blancs que midi en cascade éclabousse, Arbres mauves au soir que la lune caresse, Vous épousez votre ombre aux noces de la nuit. Arbres harmonieux, ma famille affermie, Souche à souche enchâssée dans la chair de la terre, J’écoute grésiller le feu de vos serments Comme sarments d’hiver que le serpeau refend. Et moi, diseuse de gués, guetteuse d’ondées, Immobile au milieu du temple clairière, J’attends le temps sacré de l’enracinement Qui va me transmuter dans la splendeur de l’arbre. |
Ces oiseaux ne sont-ils Que copeaux de nuées Varlopés par le fer Acéré des orages ? Leur envol délébile Peut-il se transmuer Si leur aile a souffert De heurter le nuage ? Le souffle ainsi-soit-il Aux psaumes englués Est-il crainte d’enfer Ou désir de naufrage ? Est-ce serment futile D’ornements dénué Que l’oiseleur profère Aux portes de la cage ? | Combien d’orbes faut-il Graver pour écrouer Dans une nasse d’air Ces oiseaux de passage ? Parole volatile, quels aveux dénoués À cris rauques suggèrent Leur trace sur la page ? Beaux oiseaux vous faut-il En nos yeux refluer Comme larme à l’envers Pour signer le message Qu’un assassin subtil En l’art du bien tuer Grave aux bois des calvaires, Aux cadavres sauvages ? |
Gérard Paris habite la Champagne. C'est un poète et un important critique littéraire qui lit sans relâche et dont la littérature, la langue françaises sont les passions.
Voici ici un aperçu de son talent en tant que poète.
FRAGMENTS
Taillader, mettre à vif la blessure...
Chercher l'intime, le non-dit...
Faire voyager la parole, la dénuder...
Dans la lumière des vivants, les ombres engourdies des morts...
La chair du poème : abécédaire de l'être...
Le socle de l'être : une assise ancrée et fragile...
Dans les fibres de l'intime...
Le dialogue des vivants et des morts : des flux fragiles, irrépressibles...
Apprivoiser l'intime, forger des connexions secrètes...
Détruire la parure, creuser l'essence...
La trame du temps : les morts (et l'envers des choses), les vivants (et les conjonctures)...
LE temporel, le temporel dévoyé, l'intemporel...
Gérard PARIS.
vendredi 19 décembre 2008 par Khal Torabully
Le discours que Navin Ramgoolam a présenté hier à l’ouverture de la troisième édition du Festival International Kreol laisse augurer de nouvelles prémisses dans l’appréhension de l’Histoire de l’esclavage, de l’engagisme de la république mauricienne. Les propos du Premier Ministre ont été d’une rare clarté, empreints d’une sérénité qui faisait honneur à sa fonction.
Liberté, égalité, fierté
Coiffé de son inénarrable chapeau feutre clair, pour rehausser le symbole vestimentaire créole, affichant une bonhomie de belle facture, le Premier Ministre mauricien a prononcé un discours remarqué lors du lancement du Festival Kreol hier, au Domaine des Pailles, proche de la capitale de la petite république nichée au cœur de la mer indienne. Il a - cela est de bon ton - repris le slogan de la présente édition du festival, liberté, égalité, fierté, pour rappeler que le Morne, symbole de résistance à l’esclavage, venait d’être classé au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco, et a rappelé que les descendants des esclaves, qui ont arraché leur liberté de belle lutte, pouvaient s’estimer fiers de leur passé.
Il a rappelé l’importance du passé, de l’Histoire dans la construction identitaire nationale à Maurice, et, à bon escient, que la récupération du passé ne doit pas déboucher sur une fossilisation de celui-ci, mais sur une réflexion amenée à asseoir les bases d’une nation plurielle, donc à une mise en relation de ses diverses facettes. On entend, aisément ici, un rappel ferme de la vacuité d’une concurrence victimaire, qui lirait l’Histoire à l’aune du sectarisme et de l’émiettement du pays en diverses visées communautaristes.
Une seule Histoire pour l’engagisme et l’esclavage
Navin Ramgoolam a aussi rappelé un fait essentiel, pour lequel je milite depuis une vingtaine d’années : l’on ne saurait séparer l’Histoire des uns de celle des autres dans un pays qui, pour citer le Premier Ministre, a été constitué de migrations de plusieurs bateaux, toutes pour se retrouver dans le même bateau. Cette image marine est clairement appréhendable par tous les mauriciens, qui, comme les argentins, sont « des descendants de bateaux », à tel titre que l’expression jahaji bhai, « frères de bateaux » a fait florès lors de l‘arrivée des coolies au 18ème siècle.
Je pense qu’il est grand temps d’étendre cette expression non plus aux seuls coolies embarqués vers les mêmes galères et les mêmes misères, mais aussi à leurs frères et sœurs d’infortune, les esclaves qui étaient jetés aux fonds des cales des négriers pour la traversée barbare des bois d’ébène… Je propose cette fraternisation du terme à tous ceux qui ont subi, de par leur ascendance, cette coupure de l’exil si sauvage, si brûlante… Esclaves et coolies, frères des bateaux du plus amer des voyages, même si le coolie avait une relative liberté à bord. Mais n’oublions pas que c’étaient le plus souvent des négriers « reconvertis » qui charroyaient les convois des coolies, dans de conditions qui ressemblaient si peu à une croisière de luxe entre Calcutta et Mirish Desh ou Tapu Calen (anciens noms indiens de Maurice)… Un devoir de rapprochement des mémoires s’impose pour que l’Histoire soit un lieu de rendez-vous avec l’avenir et non un terrain de luttes fratricides entre mémoires et histoires, pour ne pas sombrer dans un passéisme glauque, sans utilité pour l’avancée vers l’identité multiple.
La Commission Justice et Vérité : une assise pour l’identité corallienne
Autre point saillant du discours premier-ministériel : la création de la Commission Justice et Vérité chargée de considérer les affres du passé de l’esclavage et de l’engagisme, en vue d’une réparation et d’une réconciliation nationales.
Ramgoolam a usité, une fois de plus, d’une image marine : ne pas connaître le passé, c’est naviguer comme un bateau sans gouvernail, c’est-à-dire, être sur les flots sans savoir d’où l’on vient, et par conséquent, où l’on s’oriente. Ce recours à l’image du bateau, dans un sens si positif, est déjà l’expression, que la traversée a jeté nombre de ses appréhensions par-dessus bord, pour rejoindre une image chère à la coolitude : la mer vécue non seulement comme un lieu de destructions mais aussi de créations d’imaginaires et d’identités.
Avec force, le chef du gouvernement a rappelé qu’il n’y a pas « une histoire pour l’esclave, une autre pour le coolie et encore une autre pour l’esclavagiste. Tous se retrouvent dans une seule et même Histoire ». Ces termes sont d’une réelle importance et il serait léger de la part de chacun(e) de les éluder. Nous sommes ici au cœur d’un exercice politique de la coolitude de haute facture et de grande importance symbolique.
Rappelons les éléments, même s’ils frisent l’évidence. D’abord le lieu : un festival de la créolité, ensuite l’interlocuteur, le petit-fils d’un coolie, dont le père, Sir Seewoosagur Ramgoolam, fut le père de l’indépendance mauricienne. La langue du discours : le créole, langue maternelle des mauriciens, langue issue de la matrice de l’esclavage. Ensuite : le fait d’articuler ces trois facettes de l’histoire, ces trois « ressentis », relève d’une poétique de la diversité, de la coolitude née en terres mauricienne et française. Un paramètre, valable pour de nombreux pays, a émergé à Maurice : une politique de la diversité où les Indes sont mises en relation avec les autres humanités, avec une parole souveraine, libre politiquement. En effet, ici, c’est un chef politique issu d’une majorité d’origine indienne (hindous, musulmans, tamils, marathis…) qui tient ce langage de rassembleur du monde créole. Un événement de taille à scruter car je suis convaincu qu’à Maurice, terre de la coolitude, un discours transculturel fort, avéré, en dépit de crispations encore palpables, est en train de faire jour. Les classements du ghat et du Morne sont des fondations matérialisant les visions de ces diversités. Le fait d’adjoindre l’esclavagiste à l’histoire du coolie et de l’esclave, présent dans mon premier texte de coolitude, Cale d’étoiles, propose une idée de pardon après dialogue avec ceux qui étaient l’autre bout de la chaîne, dans la droite ligne de l’ahimsa de Gandhi. Je suis convaincu que les descendants de ces trois entités peuvent entrer dans une relation dialogique et réparer tant de choses, pour aller vers un avenir corallien, divers dans son essence.
Il nous importe maintenant d’imaginer l’avenir avec cette belle mosaïque mauricienne en vigie, et d’imaginer, pour faire bonne mesure, le premier festival international de la coolitude à Maurice, tout aussi ouvert sur les autres visions du monde que le présent festival international kréol.
Khal Torabully Port-Louis, 6/12/08
© Khal Torabully, DEC 2008
L'Université Populaire de l'Île Maurice
Vous souhaite de
Très Bonnes Fêtes de Fin d'Année
Et une Année 2009 qui remplisse vos Désirs
Je valide l'inscription de ce blog au service paperblog sous le pseudo ananda.
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Annuaire de voyage