Madagascar.
Madagascar est une île du sud-ouest de l'Océan Indien. Située à l'est des côtes sud-africaines, elle en est séparée par le large Canal du Mozambique.
Traversée par le Tropique du Capricorne, Madagascar affiche une superficie de 587 041 km2, d'où le surmom de "Grande Ile",ou même d'"Ile-continent" qui lui est souvent donné. Tropical dans l'ensemble, son climat s'avère, dans le détail, très nuancé, très varié, selon les régions. Sa population, quant à elle, est relativement ancienne, et constituée d'un mixte d'apports africains et asiatiques. Les Malgaches se divisent, en fait, en 18 peuples qui, cependant, ont tous en commun la même langue. L'identité malgache est forte, parce qu'originale, spécifique, du fait de l'histoire comme de la géographie.
Au plan économique, Madagascar figure encore parmi les nations les plus démunies de la planète : son économie continue d'être largement tributaire de l'activité agricole.
L'histoire de Madagascar est, à ses débuts, très mal connue : sans doute dès avant l'ère chrétienne, l'île s'est vue peuplée de populations probablement originaires de l'est du continent africain. Après quoi, entre les premier et conquième siècles de notre ère, elle accueillit des vagues successives et très denses de migrations en provenance de l'archipel indonésien (Ile de Bornéo) : ces nouveaux arrivants introduisirent la culture du riz et la langue malgache, langue non pas africaine, mais malayo-polynésienne.
En 1500, les Portugais furent les premiers européens qui foulèrent le sol de la Grande Ile. Très vite, ils furent relayés par Hollandais, Français et Anglais, attirés par la "Route des Indes". Au XVIIIème siècle, la France et l'Angleterre commencent à se disputer les zônes côtières de l'île, tandis qu'à l'intérieur, le roi Andrianampoinimerina (1777-1810) unifie sous son autorité le haut plateau central appelé Imerina (ou "pays des Merina", les Merina étant l'ethnie la plus "indonésienne" de Madagascar) et crée une royauté dotée d'une administration dèjà remarquable. Son fils Radama Ier (1810-1828) achève son oeuvre, en unifiant, cette fois, l'île entière sous la houlette merina, ce qui a pour conséquence l'épanouissement d'une société de castes, centrée autour de l'élite merina vivant à Tananarive, la capitale. Cette société hiérarchisée fait une part assez belle à l'esclavage.
En 1881, Rainilaiarivony va jusqu'à créer l'embryon d'un état moderne, doté d'un code de justice qui émancipe les esclaves et renforce encore l'organisation étatique..
Mais, en 1885, la Troisième République française se met en tête de faire de Madagascar un de ses protectorats : en 1895, elle oblige la dernière reine de Madagascar, Ranavalo III, à reconnaître sa souveraineté. L'insurrection malgache ne peut rien contre cette agression inexorable, et Ranavalo est exilée.
Vient ensuite la période coloniale, qui se caractérise par le déboisement des forêts, la mise en place de plantations, l'exploitation des ressources minières et des travailleurs autochtones, l'appropriation sans vergogne des meilleures terres par les colons et les entreprises étrangères. Les malgaches-et c'est bien compréhensible- vivent cette période comme une période de rabaissement et d'oppression fort pénible. A tel point qu'éxcédés, en 1947, ils se soulèvent. Leur indépendance ne sera cependant pas acquise avant 1960. Elle sera suivie de 10 années de stabilité politique, sous forte influence française, puis, ensuite, d'une période de turbulences exacerbées, tant politiques que sociales et économiques. Depuis 2 ou 3 ans cependant, Madagascar semble remonter la pente, avec une croissance forte et, de la part du pouvoir, une réelle volonté de redressement, et de modernisation du pays.
La poésie malgache.
1. La poésie malgachophone.
"Présence", "vitalité, "prestige", ainsi pourrait-on résumer, en trois mots, le statut de la poésie à Madagascar.
La Grande Ile est le pays des contes, des poèmes, des proverbes.
La tradition littéraire malgache s'enracine dans la culture orale très riche et très puissante du "kabary", discours public prononcé en toute circonstance sollennelle, véritable art oratoire dont l'extrême codification n'empèche nullement la recherche de la beauté et de la musicalité. A côté de cela, signalons les poèmes oraux dits "hain-teny", qui, en vers brefs, dans une langue très imagée, cultivent la subtilité, le non-dit et tournent, le plus souvent, autour du thème de l'amour.
La poésie malgachophone écrite est l'héritière directe de cette tradition , dont elle emprunte la forme courte, le sens aigu de la métaphore, de l'énigme, de même que la musique des sons. Les grands poètes strictement malgachophones sont Jean-Verdi Razakandriana (1913-1978), Georges Andriamanantena dont les recueils sont encore fort populaires à Madagascar, et Elie Rajoanarison.
Très souvent vouée à être mise en musique et chantée, la poésie en langue malgache confère au poète une fonction sociale assez enviable, un peu semblable à celle qui, dans l'ancienne Europe, revenait aux bardes, ou aux aèdes.
Passons maintenant à la poésie écrite. L'écriture, depuis fort longtemps, jouit, à Madagascar, d'un incontestable prestige. Ainsi, le roi Radama Ier l'utilisa pour mieux gouverner son royaume, après avoir, au préalable, fait mettre au point par des missionnaires protestants anglais un système de notation de la langue malgache en caractères latins. Dès 1828, une imprimerie se trouva installée. L'écriture satisfaisait aussi des besoin d'ordre plus privé,tels la conservation de généalogies, de traditions, de collections de poèmes "hain-teny". L'année 1866 vit la naissance d'une presse en langue malgache, qui eut, par la suite, le mérite de publier la plus grande partie de la production littéraire moderne. Une fois la colonisation installée, la poésie malgachophone écrite devint un véhicule privilégié de l'expression du désir de se libérer du joug de l'occupant. Dans les années 1920, les poètes de Madagascar se regroupent de plus en plus volontiers en cercles littéraires, et une anthologie poétique est publiée.
2. La poésie d'expression française.
La colonisation impose la prééminence de la langue française, langue de pouvoir, donc de prestige. Une vie littéraire locale en français se développe, d'abord sous l'égide d'expatriés venus de France, qui mettent en place de belles revues, dans lesquelles les fonctionnaires français qui écrivent publient leurs oeuvres d'inspiration "malgachisante". Les mêmes fontionnaires français auront également le mérite de guider les premiers essais des jeunes écrivains malgaches d'expression française.
Les principaux poètes malgaches francophones sont :
- Régis Rajemisaraolison (1913-1990). Il a consacré sa vie à la recherche sur la civilisation malgache, et à sa sauvegarde.En 1948, il a publié le recueil "Les Fleurs de l'île rouge", dans lequel il célèbre le passé de son pays sur un ton nostalgique : "Sur le coteau bleui par des ombres sereines / Que la lueur du jour naissant faisait plus pur / J'ai cru voir, ce matin, découpé dans l'azur, / Plus beau que chaque jour le PALAIS DE LA REINE."
- Elie-Charles Abraham (1919-1980), professeur de langues (malgache et français ), revuiste, critique littéraire et poète : "L'hiver malgache, il faut le dire / Est le plus doux, le plus charmant, / Lui seul, il garde à tout moment, / Dans la tristesse ou le délire, / Son éternel petit sourire." (in "Flux et reflux", 1949)
- Jean-Joseph RABEARIVELO (1901 ou 1903-1937) est, sans conteste, le géant de la littérature malgache. C'est un écrivain tourmenté, dont les thèmes de prédilection sont la nostalgie du passé, la fascination de la mort, le ressourcement. Egalement homme de théâtre, traducteur émérite jonglant entre les deux langues malgache et française avec une maîtrise parfaite, Rabearivelo fut, en dernier ressort, la poignante victime de l'incapacité à vivre qui le rongeait : sa vie finit par un suicide.
"Fondues ensemble toutes les étoiles / dans le creuset du temps, / puis refroidies dans la mer / et sont devenues un bloc de pierre à facettes. / Lapidaire moribonde, la nuit, / y mettant tout son coeur [...] taille amoureusement le prisme. / Mais c'est une stèle lumineuse / que l'artiste aura érigée sur sa tombe invisible." (in "Presque-Songes", 1934)
- Jacques RABEMANANJARA ( né en 1913), est également un auteur d'une grande stature. En sus d'être un écrivain (poésie, théâtre), il fut aussi un homme politique. Son oeuvre lui valut, en 1988, le grand prix de la francophonie de l'Académie Française. Il rêve, lui aussi, dans ses poèmes, d'un retour aux origines, aux "rites millénaires" si ancrés dans le profond de l'âme malgache. Vigoureuse, engagée, sa poésie est toute d'élan lyrique :
"Mais qu'étions-nous avant cette heure / et qu'était le monde lui-même ? / Double néant sur le chaos, / Grains de poussière sur la route."(in "Rites millénaires", 1955)
- Flavien Ranaivo (né en 1914), nous a donné une oeuvre poétique assez brève, profondément imprégnée de l'esprit de la poésie malgache traditionnelle: "Six routes / partent du pied de l'arbre-voyageur : / la première conduit au village-de-l'oubli, / la seconde est un cul-de-sac, / la troisième n'est pas la bonne, / la quatrième a vu passer la chère-aimée / mais n'a pas gardé la trace de ses pas, / la cinquième / est pour celui que mord le regret, / et la dernière... / je ne sais si praticable." (in "Mes chansons de toujours", 1955).
-Esther Nirina (née en 1932), a longtemps vécu en France. Sa poésie est toute de subtilité, et de mystère : "Flamme mouvante / D'une bougie presque / Consumée / Seule enfant / Du temps / Qui jamais / Ne sera."(in "Lente spirale", 1990)
-Lucien-Xavier-Michel Andrianarahinjaka (né en 1929). Professeur de malgache, puis, ensuite, homme politique, il nous offre une poésie lyrique fervente et même, quelque peu teintée de mysticisme : "Ainsi amarré au centre de l'émerveillement, / je m'étonne d'avoir été si loin sur le chemin de l'angoisse. / Un ciel bleu par-dessus les collines, / dans mon coeur l'appel d'une grande saison dédiée à la joie de vivre." (in "Terre promise",1966).
Patricia Laranco.
Le Chant de l'enfance
Le travail de l'écriture est une aventure étonnante. On peut se mettre en condition avec la lecture d'un poème, la relecture d'un autre, se contenter de feuilleter un recueil à la recherche de mots à réserver, ou même vérifier le sens, l'étymologie, les emplois de mots rares.
Arracher les peaux du chagrin voilà
ce que je veux inventer même
des racines des chimères sans larmes
L'or de ma mémoire fabriquera
des promesses qu'on ne m'a jamais faites
J'ai lu hier Apollinaire Les émotions
ça fait si mal tu n'es plus là
O avaler sa salive quand ça passe si mal
Je veux dormir avant La fatigue
m'a tué mourir avant que
de t'écrire est impossible
Le soleil brillera moins que l'or de ma mémoire
Strophe I
Deux problèmes se posent :
1- la répétition de" ça fait si mal " ( j'éprouve toujours des réticences à en faire une ) doublée de l'emploi du neutre" ça " de langue trop courante pour moi.
Il me faut des termes plus littéraires, plus " poétiques ", et en tout cas, davantage de musique.
C'est le moment de parler du choc que j'ai reçu la veille de l'écriture de ce texte dont le vers 6 est autobiographique. En feuilletant Alcools j'ai lu au hasard " La synagogue " et suis restée comme foudroyée par le génie musical d'Apollinaire. Il m'est apparu encore plus fortement que d'habitude qu'il ne peut y avoir de poésie sans musique et que mieux, la musique est déterminante. Sans celle-ci, il ne peut y avoir, pour moi, d'émotion.
Et comme je viens de me procurer l'anthologie de Christophe Dauphin de ce qu'il appelle " l'émotivisme " je me demande si on ne pourrait pas parler tout simplement de " musicalisme " sur le plan purement esthétique et formel.
Les sonorités des mots, leur alliance m'ont toujours semblé heuristiques. L'intérêt du poème" La synagogue " ne serait-il d'ailleurs pas principalement musical ?
2- De ce fait, la proposition " tu n'es plus là " est très faible pour rendre compte à la fois du choc lui-même, une émotion dont je ne suis pas encore remise, et du sens de ce choc.
Il me faut, tout en évitant le conventionnel, trouver la musique, voire l'incantation, dans l'expression la plus originale possible et empruntée, pourquoi pas, à Apollinaire.
La première qui me vient à l'esprit est le nom d'un des deux juifs " Ottamar Scholem ".
Ces changements me semblent provisoires tant je ressens l'importance de cette strophe dans l'ensemble de mon recueil, Le Chant de l'enfance, et dans celui de ma recherche poétique :
J'ai lu hier Apollinaire Des émotions qui
font si mal Ottamar Scholem
O avaler sa salive quand elle passe si mal
Arracher les peaux du chagrin voilà
ce que je veux Inventer
des racines des chimères sans larmes
L'or de ma mémoire fabriquera
des promesses qu'on ne m'a jamais faites
J'ai lu hier Apollinaire Des émotions qui
font si mal Ottamar Scholem
O avaler sa salive quand elle passe si mal
Je veux dormir avant La fatigue
m'a tué et avant de mourir
pouvoir t'écrire
Le soleil brillera moins que l'or de ma mémoire
III
Plusieurs modifications s'imposent encore.
Strophe 1
J'ai, en premier, l'idée de mettre au vers 2 " ce que je fais " à la place de " ce que je veux ". Le verbe " faire ", proche de ma réalité mentale actuelle, produira, me semble-t-il, un effet plus percutant.
Strophe 2
1- J'ai la même impression pour les vers 9 et 10 où je permute les deux propositions, quitte à supprimer le chiasme " dormir avant et mourir avant… "
2- l'adunatone
Soleil tu brilleras moins que l'or de ma mémoire
Oserais-je imposer au lecteur un mot rare pour annoncer la chute, d'autant que je le fémininise visuellement pour permettre la prononciation grecque ?
J'en prends la responsabilité mais décide de l'éclaircir en le faisant suivre de deux points explicatifs car la chute est bien une figure de l'impossible.
Au dernier vers l'apostrophe s'impose, même si elle est trop classique, dans le but d'éviter un second article défini et surtout pour rendre un hommage final à Apollinaire qui a écrit " Soleil cou coupé ".
Strophe 3
La dernière décision est la plus difficile à prendre.
Il me faut choisir entre exprimer un certain mystère avec le nom propre Ottamar Scholem et libérer un sens. J'ai, en effet, en feuilletant de nouveau Alcools, retrouvé à la fin d'un vers de " Zone " l'expression " Lazare affolé par le jour " qui m'avait impressionnée quand j'avais étudié le recueil. Elle annoncerait et prolongerait à la fois " l'or de ma mémoire " mais je ne restituerais plus le choc autobiographique en ne citant plus " la synagogue ".
Comme cela n'a rien à voir, à mon avis, avec la qualité du texte, je préfère relire encore la strophe à haute voix et opte définitivement pour la première solution. L'incantation s'y réalise assez magiquement même si on peut lui reprocher un côté trop solennel. Je ne recule devant rien pour honorer la grande poésie, quitte à paraître manquer de simplicité.
Arracher les peaux du chagrin voilà
ce que je fais Inventer
des racines des chimères sans larmes
L'or de ma mémoire fabriquera
des promesses qu'on ne m'a jamais faites
J'ai lu hier Apollinaire Des émotions qui
font si mal Ottamar Scholem
O avaler sa salive quand elle passe si mal
La fatigue m'a tué Je veux dormir
et avant de mourir pouvoir
t'écrire l'adunatone :
Soleil tu brilleras moins que l'or de ma mémoire
juillet 2009
France BURGHELLE- REY
Je valide l'inscription de ce blog au service paperblog sous le pseudo ananda.
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